Je pense beaucoup, ces temps-ci, au miracle japonais. C’est vrai qu’il y a un miracle japonais tout à fait paradoxal, en ce sens que là il y a eu une capacité de reconversion des structures archaïques quasiment féodales dans le tissu social, qui ont immédiatement été utilisées dans des schémas de reconversion industrielle. De même, sans doute, aux États-Unis, il y a eu des facteurs de production de subjectivité liés à des structures. Une sorte de niveau primaire d’intégration dans le foutoir général des États-Unis se jouait au niveau éthique, au niveau de recomposition subjective très segmentaire. Ce qui fait que l’on peut avoir la coexistence de misère totale dans certains ghettos et de groupes qui trouvent leur propre réalimentation sociale et subjective. Mais en fin de compte, il y a quand même une perspective de désastre généralisé qui s’affirme et alors, à mon avis, il n’est pas du tout évident qu’à l’échelle sociale il n’y ait pas un problème de potentiel de réagencer des systèmes de production de subjectivité. Faute de quoi, non seulement tu as les lorrains, tu as tous les gens qui sont dans la misère, mais tu as le système lui-même qui ne fonctionne pas. Le capitalisme lui-même ne peut pas se reconvertir. Sans ce type de reconversion subjective, il n’y a pas non plus d’autre reconversion.
Publié le 3 avril 1984
03/04/1984 : Félix Guattari : La crise de production de subjectivité
par
Félix Guattari
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